LA FORMATION PROFESSIONNELLE FRANÇAISE EN PÉRIL : QUAND LA TRAÇABILITÉ ÉCLIPSE LA TRANSMISSION DES COMPÉTENCES

LA FORMATION PROFESSIONNELLE FRANÇAISE EN PÉRIL : QUAND LA TRAÇABILITÉ ÉCLIPSE LA TRANSMISSION DES COMPÉTENCES 📉


Le monde de la formation professionnelle en France est en pleine mutation. Les discours abondent sur la nécessité de combler le déficit de compétences national, d'anticiper les métiers d'avenir et de garantir la qualité des formations. Pourtant, derrière cette façade d'ambition, une inquiétante dérive procédurale est à l'œuvre, menaçant l'essence même de l'apprentissage : la transmission concrète des savoir-faire.

Du transmetteur au traceur : la dénaturation du métier de formateur

Ce qui est en jeu, c'est la transformation progressive du métier de formateur, autrefois véhicule de compétences, en un simple agent de traçabilité. L'État, via une bureaucratisation croissante, semble valoriser la preuve administrative du parcours au détriment de la preuve de la compétence acquise.

Imaginez un pâtissier qui apprendrait son art en se concentrant sur la rédaction minutieuse de fiches techniques plutôt que sur la maîtrise des matières premières et la chaleur du four. Ou un mécanicien automobile dont la formation se réduirait à l'étude de schémas complexes plutôt qu'à la manipulation pratique des engins sur les plateaux techniques.

C'est précisément cette inversion des priorités qui s'opère dans la formation professionnelle. L'énergie et le temps du formateur, et par extension des organismes de formation, sont désormais vampirisés par le balisage de la traçabilité du parcours : preuves de présence, conformité des référentiels, indicateurs administratifs.

La déconnexion entre l'expertise administrative et la réalité du terrain

Cette tendance de fond est symptomatique d'un dysfonctionnement étatique. Une nouvelle caste, souvent composée d'énarques et de procéduriers des normes, se mue en "experts" des métiers du terrain. Leur mode opératoire : garantir le transfert de compétences à coups de catalogues, référentiels, normes et audits de conformité administrative.

Or, la qualité d'une compétence ne s'évalue pas à la quantité de documents produits ou à la conformité d'une procédure. Elle se mesure à sa capacité à être mise en œuvre efficacement dans un contexte professionnel réel.

Cette logique administrative dénue la prestation de formation de son sens premier : le transfert de compétences dans le terrain par la pratique. Elle crée une distance abyssale entre ceux qui édictent les règles (l'État centralisé) et ceux qui pratiquent l'art de transmettre (les formateurs de terrain).

💡 Un retour au sens : valoriser les résultats plutôt que les moyens

Pour sortir de cette impasse qui accentue le déficit de compétences de la France, il est urgent de remettre le résultat au centre.

Des outils d'évaluation plus simples et plus pertinents existent : il s'agit d'apprécier la qualité de la compétence en s'appuyant directement sur les résultats de sortie de formation. La réussite d'un apprenant à résoudre un problème concret, à produire un livrable de qualité, ou à démontrer une maîtrise pratique du geste professionnel est un indicateur de performance infiniment plus fiable que la vérification de la conformité de son dossier administratif.

En se concentrant sur le "quoi" (la compétence réellement acquise et utilisable) plutôt que le "comment" (la traçabilité du parcours), la France pourra enfin libérer l'énergie de ses formateurs pour qu'ils se concentrent sur leur vocation essentielle : transmettre, pratiquer et garantir l'employabilité de demain. C'est à cette seule condition que nous pourrons réellement combler le déficit de compétences dont souffre notre économie.

SOURCE: www.club-rfp.fr

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