ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉ : UN TOUR DE VIS LÉGISLATIF POUR « RESTAURER LA CONFIANCE »

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉ : UN TOUR DE VIS LÉGISLATIF POUR « RESTAURER LA CONFIANCE »

ILLUSTRATION IA
Le 30 juillet 2025, Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et Philippe Baptiste, ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ont présenté en Conseil des ministres un projet de loi visant à réguler l'enseignement supérieur privé. Ce texte s'inscrit dans la continuité d'un plan interministériel de grande envergure, lancé le 24 juillet, dont le mot d'ordre est "tolérance zéro face aux abus" dans le secteur de la formation.

Une régulation accrue face aux "Dérives"

Le gouvernement justifie cette nouvelle législation par la persistance de "dérives" au sein de certains organismes de formation, apparues suite à la dynamique sans précédent qu'ont connue la formation professionnelle et l'enseignement supérieur privé depuis 2018. Cette situation, qualifiée d'inacceptable, a conduit à un plan ambitieux pour renforcer la qualité et protéger les apprenants.

Le plan gouvernemental prévoit notamment un renforcement de la certification Qualiopi, dont le champ sera élargi. L'obtention de cette certification, nécessaire pour l'accès aux financements publics et mutualisés de l'apprentissage, exigera désormais de "véritables garanties de qualité" pour tous les organismes, qu'ils soient financés ou non par des fonds publics. De plus, toutes les formations menant à des diplômes du ministère de l'Éducation nationale (du CAP au BTS) devront obligatoirement obtenir une habilitation pour dispenser leurs enseignements. Enfin, un système de contrôle agile et coordonné, basé sur le partage de données et l'intelligence artificielle, sera mis en place pour cibler les fraudes.

Le projet de Loi : deux niveaux de reconnaissance pour la Qualité

Le projet de loi sur la régulation de l'enseignement supérieur privé est la déclinaison législative de ce plan. Il vise à "réguler par la qualité en s’appuyant sur l’évaluation", afin de garantir la confiance dans l'ensemble des établissements et des formations. Il refond les règles applicables à l'enseignement supérieur privé en introduisant deux niveaux de reconnaissance par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) :

  • Le partenariat : Destiné aux acteurs associés au service public de l'enseignement supérieur (dont les actuels EESPIG), ce niveau sera accordé par le MESR après une évaluation approfondie par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres). Cette évaluation portera sur la stratégie de l'établissement, la qualité de sa politique de formation et de vie étudiante, son caractère non-lucratif et l'adossement de sa formation à la recherche.

  • L'agrément : Pour figurer sur Parcoursup et accueillir des boursiers, les établissements privés non partenaires devront obtenir un agrément délivré par le MESR. Cette reconnaissance sera également précédée d'une évaluation qualitative par le Hcéres, portant sur la stratégie et les formations de l'établissement, ainsi que sur l'existence d'une politique sociale en faveur des étudiants.

À l'horizon 2030, tous les établissements devront être partenaires ou agréés pour figurer sur Parcoursup et accueillir des boursiers. Bien que la liberté d'ouvrir un établissement privé reste un principe fondamental, cette ouverture n'impliquera plus par défaut aucune reconnaissance ministérielle.

Protection des apprenants et harmonisation de la régulation

Le projet de loi renforce également la protection des apprenants. Il instaure un droit de rétractation pour les étudiants jusqu'à trente jours avant le début de la formation et étend les obligations d'information des établissements. Pour les apprentis, les frais de réservation sont désormais interdits et un remboursement au prorata sera garanti en cas de départ anticipé.

En outre, le texte vise une mise en cohérence de la régulation par la qualité dans le champ de la formation professionnelle. L'extension de l'obligation Qualiopi à tous les organismes délivrant un titre RNCP, quel que soit le mode de financement, harmonise le système de formation. Le gouvernement estime inacceptable que les obligations varient selon le financement, au détriment des apprenants, étendant ainsi les critères de qualité à une grande partie de l'offre de formation initiale.

Le revers de la médaille : Une Période de "Vaches Maigres" évoquée dans notre article du mois de mai 2025

Cette nouvelle législation, bien que présentée comme un gage de qualité et de confiance, s'inscrit dans une tendance plus large de resserrement des dispositifs de financement. Après les marchés publics, l'apprentissage, le CPF, les certificateurs RNCP ou RC, et les certificateurs Qualiopi, c'est au tour de l'enseignement supérieur privé de subir un tour de vis. Sous le discours louable d'une meilleure qualité, l'accès aux financements risque d'être fortement réduit.

Il est paradoxal de constater que les "dérives" pointées du doigt sont précisément la conséquence d'une ouverture trop rapide du marché de la formation par la loi "Choisir son avenir professionnel" de 2018, sans une anticipation suffisante des contrôles adéquats. Le gouvernement semble aujourd'hui vouloir réparer les failles d'un système qu'il a lui-même contribué à libéraliser, en imposant des contraintes plus strictes qui pourraient fragiliser de nombreux acteurs de l'enseignement supérieur privé.

Élisabeth Borne a réaffirmé l'ambition de garantir la qualité, la transparence et l'équité du système d'enseignement supérieur, assurant que la qualité est "une nécessité, un droit et une chance". Reste à voir si cette régulation accrue permettra réellement de restaurer la confiance sans étouffer la diversité et l'innovation du secteur.

SOURCE: MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

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